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( LES CONFIDENTIELS )
8 décembre 2010

le témoignage d'Emma Coll (relieur)

Le relieur est une sorte de paria du monde du livre, considéré par ceux qui vendent du livre ancien comme un ouvrier ignare (ce qu’il est parfois…) et ceux qui font du livre « actuel » au choix comme une survivance médiévale ou comme une activité de club pour dame. Le cul entre deux chaises quoi, le cul par terre plutôt…

Je ne participe pas à beaucoup de salons durant l’année. Ce n’est pas que je ne veuille pas mais entre les salons où les professionnels de la profession disent « un relieur, pffff !!» et les salons où je me demande bien ce que j’ai à y faire (Fête des vieux-métiers-comme-au-bon-vieux-temps-où-qu’c’était-bien), il ne reste pas grand chose. J’allais oublier les salons « où qu’c’est la femme du libraire ancien » qui squatte la place et n’est pas prête de la lâcher, la compétence étant une notion superfétatoire…
Depuis l’année dernière, je travaille avec une éditrice, une jeune éditrice qui a créé et porte à bout de bras une maison d’édition de littérature et poésie. C’est une jeune femme exigeante et courageuse, une jeune femme selon mon cœur. Elle me demande : «  Serais-tu intéressée pour participer à un salon de la petite édition indépendante qui va voir le jour à Combourg pour la première année, sous l’impulsion d’une libraire indépendante, dont la librairie Tournez la page est sise dans la cité de Châteaubriand ? » Je réponds : « ok d’ac ». J'apprendrai par la suite qu'Hélène Camus, la libraire, a monté le salon avec l'association de poésie Des Rives, ce qui m'entraînerait à vous raconter comment on me récita un poème de Xavier Grall en islandais pour moi toute seule, mais c'est une autre histoire...

Le jour arrive, quand faut y aller... Au début de mon activité, j’allais à chaque salon avec allant ; depuis j’ai appris à mesurer mes ardeurs et mes attentes. Entre les expériences où j’étais invisible et celles où j’étais… invisible… les ardeurs les plus vives se calment… On n’exerce pas ce métier pour être aimé, on l’exerce parce qu’il fait sens, parce qu’on ne voit pas ce qui peut être plus important que de sauver et de magnifier des livres (qu’est-ce qui peut être plus important je vous le demande ?), parce qu’on est un misanthrope dans l’âme, mais bon, on a quand même un peu envie d’être aimé…

Installation donc. Et là, déjà, j’avais le sentiment que les organisateurs étaient contents que l’on soit là. Houaou ! Pis ensuite, tout s’est enchaîné. On a été reçu comme des princes, on a pris soin de nous. On nous a nourris et blanchis, on nous a caressés, admirés, chouchoutés comme jamais. Les organisateurs et les participants, tout le monde allait dans le même sens, de l’écoute, de la curiosité, du respect, de l’envie… Une expérience unique, un bain d’humanité…
Le salon de Combourg présente cette particularité de ne pas vouloir poser les métiers du livre en mépris les uns des autres mais, considérant que nous sommes des résistants d’une façon d’aborder le monde par le livre, ce salon souhaite conjuguer ces énergies-là. À Combourg, on touche du doigt ce rêve qui veut que lire ouvre l’esprit et le cœur, rend meilleur, bien loin des atmosphères rances de ces salons où le livre semble rétrécir les esprits et attiser les pires défauts humains.

Que celui qui se sent porté par cet état d’esprit vienne soutenir cette aventure qui n’en est qu’à son commencement, dans cette idée que le savoir doit tirer vers le haut et que faire un salon de la petite édition à Combourg est un acte politique pour affirmer une autre façon de voir et de faire le monde.

par Emma Coll, dimanche 5 décembre 2010

emma

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Commentaires
M
Très bon témoignage, j'apprécie en particulier le dernier paragraphe !<br /> Le Salon des Confidentiels était un beau moment pour nous, lecteurs,amateurs de rencontres.<br /> Félicitations à Hélène et ses associés,<br /> et à l'année prochaine,espérons-le,<br /> M-C Barbé
H
Quel beau témoignage. Oui cela fait chaud au coeur, et me ravie d'avoir eu cette idée du Salon des "petits" mais grands par leur valeur, leur humanité, leur compétence, ...<br /> A l'année prochaine j'espère, Hélène
Y
voilà qui fait chaud au coeur !<br /> <br /> pour les visiteurs du blog voici le site d'Emma Coll:<br /> http://reliurerestauration.pagesperso-orange.fr/
( LES CONFIDENTIELS )
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