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( LES CONFIDENTIELS )
17 novembre 2010

Hommage à Yves Prié par Mérédith Le Dez

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Hommage à Yves Prié par Mérédith Le Dez,

des éditions Folle Avoine aux éditions MLD.

Yves Prié : trente ans d’édition

Trente ans d’édition. Neuf collections. 197 titres répertoriés au catalogue 2010 dont près de la moitié dans la collection qui porte elle-même le nom de Folle Avoine. Un goût pour le travail des artistes et notamment des peintres, François Dilasser, Georges Le Bayon, Mario Prassinos, Roland Sénéca, Nicolas Fedorenko, Yasse Tabuchi, pour en nommer quelques-uns. Une curiosité intellectuelle pour la littérature venue d’ailleurs, hispanique, japonaise, polonaise, nordique, irlandaise, et les écritures qui échappent aux normes des genres littéraires bien établis (essais, correspondances, proses en marge). Voici les mots d’Yves Prié, éditeur et imprimeur, à propos de Folle Avoine, créée en 1981 :

“ J’ai toujours aimé et choisi des textes qui parlent d’une réalité sensible, qui naissent d’une expérience concrète. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas la forme pour elle-même, mais plutôt la relation entre l’expérience d’un individu et l’expression qu’il va en donner, cette conjoncture secrète entre  la personne et la forme qu’elle élabore. ”

Travail dans le temps. Travail dans le retrait. Mais le catalogue et les livres parlent pour Yves. Ils parlent d’une exigence haute et âpre, d’une conduite qui ne s’est pas infléchie au fil des années. Ils témoignent d’une relation à l’autre profonde, durable et franche : ainsi c’est un beau compagnonnage qui l’unit à certains auteurs, tels Jean-Claude Le Chevère (auteur de récits) et Louis Le Bihan (poète), auteurs Folle Avoine invités à cette première édition des Confidentiels, Heather Dohollau dont il a publié toute l’œuvre poétique depuis la création de sa maison d’édition, mais aussi Serge Wellens, Jean-Paul Hameury, tous deux disparus récemment, et tant d’autres…

Travail dans l’atelier. Œuvre intellectuelle et manuelle que celle d’Yves Prié, éditeur et imprimeur en typographie au plomb. L’œil et la main agiles. Une idée précise de la tâche essentielle de l’éditeur. Dans une réflexion sur l’enseignement et l’édition de poésie publiée il y a quelques années, Yves écrit ceci :

“ Il revient à l’éditeur de faire découvrir le livre. Après plusieurs siècles d’imprimerie, nous devons redécouvrir cet objet, en retrouver la nécessité profonde face à l’explosion des nouvelles techniques de communication et il y a là une chance à saisir. Souvent malmené par les impératifs de rentabilité – appauvrissement des maquettes -, ou les impératifs commerciaux – il faut séduire, d’où l’impérialisme de l’image -, la question de son utilité, de son devenir, se trouve posée. Et l’édition poétique, paradoxalement, nous rend plus sensible à la nécessité du livre dans sa forme la plus classique. Editer, imprimer un poème, c’est avant tout le souci de le rendre le plus lisible, de permettre par la typographie, la mise en page une préhension immédiate par l’œil. “ L’essentiel, c’est d’avoir ce respect minimal des mots, ce respect que l’on doit à leur auteur, à leur lecteur… Ce n’est pas moi le maître des mots, j’en suis le serviteur ” fait dire François Maspero à l’un de ses personnages dans Le Figuier.  L’expérience du contact avec de nombreuses classes m’a convaincu de cette nécessité de redécouvrir le livre comme objet porteur d’un texte, d’un sens et donc d’une nécessité. ”

Il faut sans doute puisqu’il est ici question de transmission, évoquer les aînés, peut-être même affirmer une filiation : GLM notamment dont Folle Avoine a réédité Loger la source et René Rougerie bien sûr qui eut pour l’engagement d’Yves dans le métier d’éditeur-imprimeur les mots décisifs. Une amitié vive entre ces deux-là, un grand respect. Qu’il me soit permis à présent de dire simplement à Yves mon affection et mon estime pour le rôle qu’il a joué dans ma décision de devenir à mon tour éditeur en 2007 et pour, non pas le modèle, mais pour le repère solide et bienveillant qu’il constitue dans mon propre parcours.

Edité en 1975 pour la première fois par René Rougerie, Yves a publié une dizaine de livres de poésie chez Rougerie, dont Passage des amers, prix Georges Perros 2007. Voici en 1986, ce qu’il écrivait dans Miroir incertain, en exergue au livre :

“ Entre le sol vagabond des saisons et la barrière d’un ciel étoilé, notre quotidien invente ses lieux d’élection. A cet espace répond celui d’une veille insistante ; le temps est à l’affût de sa trajectoire dans les franges de notre mémoire fissurée.

Nous cherchons dans l’immobilité un refuge entre l’oubli et la dispersion. Le risque d’une nuit sans écho nous guette si nous rompons l’alliance avec la solitude des soirs. Le poème est alors ce miroir incertain, inquiet de l’instant oublié ; l’image qu’il renvoie se trouble et se terre vulnérable, dans l’or d’une page. ”

De ce préambule au Miroir incertain, j’ai cru lire l’écho dans Les Poèmes de l’inconfort, de Serge Wellens que tu as publié, Yves, au début de cette année 2010, et dont Jean-Marie Berthier va lire les trois premiers poèmes. Faire entendre la voix d’un auteur et d’un ami que tu aimais sera, cher Yves, pour les Confidentiels, la manière de saluer ton travail. Que les années qui viennent soient pour Folle Avoine, fécondes et belles. Merci.

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Commentaires
C
quel bel hommage, merci Mérédith pour cette sensibilité, cette intelligence à l'image de ce salon et de ces invités. Que du plaisir des mots et des rencontres.<br /> à l'année prochaine...
( LES CONFIDENTIELS )
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